Communautés, réseaux sociaux et groupes neuronaux

Les années 2002-2007 ont mis en exergue le concept de communauté. Les internautes, grâce aux forums, se sont regroupés autour d’un thème et ont fait le lit du 2.0 en créant à la fois du contenu et des liens sociaux. Mais le mot social est désormais associé aux réseaux comme Facebook ou LinkedIn qui semblent avoir ringardisé les forums, au moins dans la pepetosphère.

Comme l’analyse Fred Cavazza, communautaire et social sont deux concepts différents. Je ne partage pas pour autant entièrement sa vision du critère de séparation.

Le communautaire, ce sont des individus différents (âge, CSP, maturité internet…) qui se retrouvent autour de la gestion d’un problème ou d’une passion commune, le plus souvent dans un forum. Ces forums peuvent certes avoir une structure sociale : ils sont marqués sexuellement par exemple, et pas uniquement par thème. Certains thèmes vont être massivement féminins (grossesse) masculin (auto) ou catégoriel (science). Une intéressante cartographie permet d’identifier la hiérarchie et la topologie des forums francophones.Mais fondamentalement, le communautaire est thématique. Il y a un « sujet », une mission, un objectif.

Le social, ce sont des individus assez homogènes (même âge, même CSP, même maturité internet… ) qui vont tisser des liens entre eux pour créer un réseau relationnel, le plus souvent dans un réseau social. Ces réseaux peuvent comporter aussi des forums. Mais ces forums thématiques sont destinés à trouver un alibi fonctionnel aux liens sociaux alors que dans le communautaire, les forums sont l’origine de la création du lien social. Fondamentalement, le social est relationnel. Il y a des liens, des relations d’affaires ou affectives.



Dans ma vision neuro-inspirée du web, je ne peux m’empêcher de faire certaines analogies avec ce que nous savons du système nerveux.

La substance grise est constituée par les neurones, c’est à dire les unités fonctionnelles élémentaires. Ces neurones sont regroupés en groupes fonctionnels : cartes, groupes neuronaux pour Edelman, cristaux pour Changeux. Un neurone isolé n’est rien et c’est le groupe neuronal qui est fonctionnel. On retrouve là une organisation communautaire. Le neurone est l’individu. Le groupe neuronal est le forum. Comme lui, il regroupe des éléments éparpillés, mais interagissant en permanence autour d’un thème ou d’un objectif précis. Le groupe neuronal peut se mettre ne sommeil si sa fonction devient obsolète (on perd l’équilibre si on séjourne dans l’espace), mais il est relativement fixe géographiquement et temporellement. Il en est de même pour les forums.

La substance blanche est faite essentiellement de connexions. C’est un lieu d’échange, de liens, de contacts. Ces connexions sont mouvantes, naissent et meurent en permanence. Notre connaissance est faite de leurs renforcements, l’oubli de leur diminution ou disparition. Ces connexions peuvent être regroupées en plexus, qui sont bien proches de nos réseaux sociaux.

Bien sûr, substances blanches et grises sont étroitement intriquées, imbriquées, comme les sont les sites communautaires et réseaux sociaux.

Et pour finir, il existe une épine dorsale, un backbone, qui assure les connexions à longue distance : la moelle épinière.

Un peu facile me direz vous ? Certes. Mais comment ne pas être fasciné par l’évolution parallèle de la Vie et d’internet ?, La Vie a façonné le système nerveux pour assurer la coordinations des centaines de milliards de cellules d’un organisme supérieur. L’éveil de la conscience au sein de ce système, il y a seulement quelques centaines de millions d’années (après quelques milliards d’années de tâtonnement) est une aventure passionnante dont l’Homme est l’aboutissement actuel.

Je ne suis pas de ceux qui croient à un éveil de la conscience du Net, pas avant bien longtemps en tout cas. Mais la similitude entre les chemins pris par la Vie et ceux qui naissent spontanément sur le réseau mondial est tout de même saisissante.

Un des éléments les plus marquants est que dans la vie comme dans l’organisation du réseau, il n’existe aucun plan. Il n’y a pas de maître d’oeuvre, d’expert. C’est l’autorégulation spontanée du « bruit » qui génère une telle complexité. Aucun planificateur ne saurait organiser pareille chose. Cela nous permettra peut-être de comprendre que le futur bond scientifique et social de l’humanité viendra de l’abandon de la manie de tout planifier et organiser.

Pendant les années 2000, Google a connu un tel succès que son algorithme révolutionnaire s’est imposé à la totalité des moteurs de recherche, en tout cas ceux qui ont choisi de survivre. Pour résister à ces suiveurs, Google a cherché à s’en démarquer par la recherche d’une pertinence toujours meilleure, en fournissant un service de plus en plus personnalisé.

Cette personnalisation a été progressive, consistant notamment à tenir compte des recherches et comportements passés de l’utilisateur pour lui proposer des résultats plus pertinent. Le stockage des informations comportementales était associé initialement à la création d’un compte Google. Désormais, un simple cookie placé sur votre ordinateur permet au moteur de vous reconnaître pour vous servir des résultats personnalisés.

Pendant plusieurs années, cette personnalisation du service est restée attachée aux données de chaque utilisateur, malgré quelques tentatives de prise en compte de son réseau (Yahoo et Myweb)

Jusqu’alors, le mystère entourant l’algorithme du moteur vedette ne suscitait que quelques réactions négative. Mais le stockage des préférences ou de l’historique de navigation par les moteurs de recherche a suscité une levée de boucliers chez les utilisateurs les plus soucieux de la protection de leur informations personnelles. Cet aspect sera plus particulièrement développé dans le deuxième article (à venir) de ce triptyque. Toujours est-il que Google recueillait des informations liées à la navigation et sans doute déjà au réseau de l’utilisateur. Fidèle à sa tradition, il ne donnait aucune visibilité aux critères qui dictaient l’affichage des résultats, désormais différents pour chaque internaute.


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