LA GUERRE DES BOUTONS

Le lancement officiel du bouton Google +1 signe le début d’une guerre ouverte entre le moteur de recherche vedette et l’alliance Facebook/Microsoft au sein du moteur Bing.

Pourquoi une guerre ? Pourquoi sommes nous tous concernés ? Parce que ces boutons constituent le point de départ d’une évolution majeure d’internet qui démarre avec la Recherche Sociale, et qu’il nous sera de plus en plus difficile d’ignorer ce mouvement de fond, y compris en dehors d’internet.

Les boutons « J’aime » de Facebook et « +1″ de Google, placés sur une page web, permettent au visiteur de signaler son intérêt pour le contenu de cette page.

Les systèmes de vote ou de recommandation ne datent pas d’aujourd’hui. La grande nouveauté induite par ces deux systèmes réside dans la possibilité d’être informé au cours d’une requête sur un moteur de recherche, d’une recommandation de page en provenance d’un « ami » Facebook, d’un Twittos que l’on suit ou d’un contact Google. Cette intrusion de notre réseau personnel dans nos recherches porte le nom de Social Search, Recherche Sociale en français. La personnalisation des recommandations est en rupture avec les algorithmes anonymes de Google et de ses clones.

C’est le cas par exemple lorsque je recherche un article sur les liens faibles : Google me signale que mon ami Philippe Ameline, que je suis par ailleurs sur Twitter et qui est dans mes contacts mail, a recommandé un article d’InternetActu.

Cette notion de résultat lié à un réseau personnel va plus loin que la simple recherche d’information et s’intègre dans le Web social, traduisant le virage communautaire du Web 2.0 et ses interactions qui vont bien au delà de la seule quête d’information.

Les développements en cours ou à venir du Web Social sont stimulants, excitants pour certains, effrayants pour d’autres. Ils sont au coeur de mon activité sur le web et de ma réflexion personnelle et je vous propose un triptyque de trois articles sur ce thème.

Le premier article, qui suit cette introduction, s’intéresse à l’émergence de la recherche sociale, depuis la naissance de Google jusqu’au bouton “J’aime” de Facebook et le tout récent +1 de Google.

Le deuxième article analysera à la fois les espoirs réels ou fantasmés placés dans le Web Social, mais surtout les craintes fondées ou non liées à la perte d’intimité et d’individualité qu’il implique.

Un troisième volet tentera d’imaginer l’impact du Web Social, dans notre vie future et le fonctionnement de nos sociétés. Michel Serres pense que nous arrivons à la fin du néolithique. Homo sapiens démarre-t-il une nouvelle ère ? Faut-il s’en réjouir où au contraire se rebeller contre un montre orwellien ? À suivre…

1) Naissance de la Recherche Sociale

Le concept de Social Search, recherche sociale en français, serait né en 2004 d’après Wikipedia, qui le traduit par “moteur de recherche collaboratif”.

Pour l’encyclopédie communautaire et pour d’autres, la recherche sociale se caractériserait par l’intégration de recommandations personnalisées, provenant généralement d’experts, dans les résultats d’un moteur de recherche.

Google CSE, un des premiers outils de recherche sociale
L’annuaire Yahoo est l’ancêtre de la recherche d’information collaborative, suivi de l’annuaire Dmoz. La recherche s’effectuait dans une liste forcément limitée de sites sélectionnés.

Le concept d’annuaire ne séduit plus personne. L’annuaire Yahoo n’est même plus présent sur www.yahoo.com, il est caché ici. Dmoz est envahi par les spammeurs.

C’est donc du côté des moteurs de recherche que va se développer la recherche collaborative.

L’alliance du CISMeF (pionnier du web santé) et de Google en 2006 constitue un bon exemple de recherche collaborative « post-annuaire »: une version “custom” du moteur Google permet d’interroger exclusivement l’énorme catalogue de pages et de sites indexés depuis plus de 10 ans par l’équipe de Stefan Darmoni et Benoît Thirion.

Google CSE proposait une autre option combinant la sélection de sites avec les résultats naturels de Google, sans exclusion : les pages provenant des sites sélectionnés s’affichent en début de résultats, mais ils sont simplement valorisés, il n’y a pas de manques. Cette solution permettait de corriger l’effet “silence” de la présélection, qui privait l’internaute de pages potentiellement pertinentes qui n’auraient pas été sélectionnées.

Comme pour les autres options de Google CSE, le moteur personnalisé acceptait le mode collaboratif : la possibilité d’ajouter des sites à la liste pouvait être partagée avec de nombreux co-éditeurs au sein du projet plus large Google co-op.

Cette option n’a pas non plus connu de succès, pas plus que MedHunt de la fondation suisse HON qui fonctionne sur un principe proche.

Comment expliquer l’échec de cette version primitive de la recherche sociale ?
La principale raison de l’échec de la recherche collaborative 1.0, c’est à dire fondée sur des experts, est qu’elle se plaquait sur un moteur de recherche qui utilisait déjà la recherche sociale 2.0 !

L’algorithme de Google se montrait suffisamment puissant pour mettre en valeur les meilleurs résultats sans sélection préalable par l’intervention d’experts ou de tiers certificateurs !

Enfin, si elle était collaborative, cette recherche n’était pas vraiment sociale. Le distingo est subtil mais important : dans notre espace personnel nous faisons en priorité confiance à ceux que nous connaissons. Les aéropages d’experts plus ou moins anonymes perdent peu à peu leur crédit, comme j’ai pu le vérifier dans le domaine médical avec Cyril Quémeras et Hugues Raybaud. De façon plus générale, le prestige des experts truffés de conflits d’intérêt s’effrite de plus en plus.

L’algorithme de classement du moteur de recherche Google est fondé sur l’analyse des liens entre les documents indexés, et non sur leur popularité auprès des visiteurs comme on le croit trop souvent. Google a révolutionné la recherche d’information en abandonnant quasiment l’analyse des critères intrinsèques objectifs (analyse du contenu, recherche des mots clés) pour privilégier des critères extrinsèques subjectifs (liens entre documents, récursivité, comportement des utilisateurs). Lorsque vous affichez le résultat d’une requête, vous bénéficiez sans vous en rendre compte de l’analyse du réseau socio-éditorial qui entoure votre mot-clé.

Ce principe peut être schématisé de façon très réductrice par le PageRank de Google.

Ou par le défunt moteur Kartoo, qui proposait une visualisation graphique des liens entres sites.

Toujours est-il que plaquer de la recherche collaborative expertale sur un moteur de recherche 2.0 revenait à vouloir envoyer des profs ou des parents piloter les discussions de leurs élèves/enfants sur FaceBook. J’avais personnellement négligé cet aspect, de même que j’ai cru à tort à Knol, un autre échec de Google. Cette encyclopédie met en avant des réseaux d’experts rédacteurs. Elle n’a pas réussi à détrôner le pourtant imparfait et critiqué Wikipedia, pur produit 2.0 avec ses millions de collaborateurs anonymes et ses pages réécrites en permanence.

Pour améliorer Google, il fallait donc trouver autre chose que l’injection de jus de cervelles d’experts. A côté de ces essais avortés de recherche collaborative 1.0, Google a continué à perfectionner son service de base, en apportant de nouvelles fonctions

La nécessaire évolution de Google et des autres moteurs vers la personnalisation de leur service
Pendant les années 2000, Google a connu un tel succès que son algorithme révolutionnaire s’est imposé à la totalité des moteurs de recherche, en tout cas ceux qui ont choisi de survivre. Pour résister à ces suiveurs, Google a cherché à s’en démarquer par la recherche d’une pertinence toujours meilleure, en fournissant un service de plus en plus personnalisé.

Cette personnalisation a été progressive, consistant notamment à tenir compte des recherches et comportements passés de l’utilisateur pour lui proposer des résultats plus pertinent. Le stockage des informations comportementales était associé initialement à la création d’un compte Google. Désormais, un simple cookie placé sur votre ordinateur permet au moteur de vous reconnaître pour vous servir des résultats personnalisés.

Pendant plusieurs années, cette personnalisation du service est restée attachée aux données de chaque utilisateur, malgré quelques tentatives de prise en compte de son réseau (Yahoo et Myweb)

Jusqu’alors, le mystère entourant l’algorithme du moteur vedette ne suscitait que quelques réactions négative. Mais le stockage des préférences ou de l’historique de navigation par les moteurs de recherche a suscité une levée de boucliers chez les utilisateurs les plus soucieux de la protection de leur informations personnelles. Cet aspect sera plus particulièrement développé dans le deuxième article (à venir) de ce triptyque. Toujours est-il que Google recueillait des informations liées à la navigation et sans doute déjà au réseau de l’utilisateur. Fidèle à sa tradition, il ne donnait aucune visibilité aux critères qui dictaient l’affichage des résultats, désormais différents pour chaque internaute.

Pendant les années 2000, Google a connu un tel succès que son algorithme révolutionnaire s’est imposé à la totalité des moteurs de recherche, en tout cas ceux qui ont choisi de survivre. Pour résister à ces suiveurs, Google a cherché à s’en démarquer par la recherche d’une pertinence toujours meilleure, en fournissant un service de plus en plus personnalisé.

Cette personnalisation a été progressive, consistant notamment à tenir compte des recherches et comportements passés de l’utilisateur pour lui proposer des résultats plus pertinent. Le stockage des informations comportementales était associé initialement à la création d’un compte Google. Désormais, un simple cookie placé sur votre ordinateur permet au moteur de vous reconnaître pour vous servir des résultats personnalisés.

Pendant plusieurs années, cette personnalisation du service est restée attachée aux données de chaque utilisateur, malgré quelques tentatives de prise en compte de son réseau (Yahoo et Myweb)

Jusqu’alors, le mystère entourant l’algorithme du moteur vedette ne suscitait que quelques réactions négative. Mais le stockage des préférences ou de l’historique de navigation par les moteurs de recherche a suscité une levée de boucliers chez les utilisateurs les plus soucieux de la protection de leur informations personnelles. Cet aspect sera plus particulièrement développé dans le deuxième article (à venir) de ce triptyque. Toujours est-il que Google recueillait des informations liées à la navigation et sans doute déjà au réseau de l’utilisateur. Fidèle à sa tradition, il ne donnait aucune visibilité aux critères qui dictaient l’affichage des résultats, désormais différents pour chaque internaute.


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